L'inauguration de l'exposition “Fernand Léger, Au-delà du décor - Le roman d’une façade” a eu lieu le samedi 30 mai 2015 au musée national Fernand Léger à Biot en présence d’Anne Dopffer, conservateur général du patrimoine et directrice des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes, Guilaine Debras, maire de Biot et vice-présidente de la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis, Diana Gay, conservatrice au musée national Fernand Léger et Nelly Maillard, chargée des collections au musée national Fernand Léger.
Madame Anne Dopffer a commencé son discours d'inauguration en nous indiquant que la restauration de cette œuvre, à savoir la façade du musée en mosaïque et céramique, la touchait à titre personnel car lorsqu'elle avait passé son concours elle avait eu à décrire une œuvre qui était cette même façade qu'elle avait alors reconnu. Elle avait donc en étant ici aujourd'hui le sentiment d'une boucle accomplie.
Madame Anne Dopffer nous a indiqué qu'après avoir passé 17 ans sous les filets de protection, la façade sera totalement restaurée en juillet 2015 et que la fin des travaux marquera assurément un nouvel élan pour le musée retrouvant sa beauté originelle.
Madame Anne Dopffer a rappelé l'origine du motif de la façade à savoir un projet de travail de Fernand Léger pour le stade vélodrome de la ville de Hanovre, d'où les motifs sportifs comme le jeux de ballons et le cycliste. Les motifs sportifs devant symboliser, aux yeux de Fernand Léger et des visiteurs, la joie de vivre et le partage de l'art avec une oeuvre à l'extérieur du musée. Le projet initié en 1954 n'ayant pu aboutir pour des raisons techniques et financières, Nadia Léger et Georges Bauquier utilisent ce projet pour la construction du musée Fernand Léger.
Madame Anne Dopffer a tenu à remercier son prédécesseur, Maurice Fréchuret, conservateur des Musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes de 2006 à 2014, et présent pour l'inauguration, pour avoir trouvé les moyens techniques et financiers pour assurer cette restauration (le coût total des travaux est de 343 773 euros).
En raison de la grande taille de l'oeuvre, les artistes avaient à l'époque décidé de coller les caissons de céramique directement sur la façade ce qui s'avérera malheureusement une erreur pour sa bonne conservation. Les chocs thermiques de l'ordre de 80°C entre la température nocturne et diurne ont fissuré de nombreux blocs de céramique qui ne pouvaient se dilater étant scellés (des pics à 110°C ont été mesurés en été sur la façade sud). Cela a engendré le décollement voir la chute d'éléments dans les années 1970. Les céramiques ont dû être mise sous filet dans les années 1990.
L'état de la céramique a un moment fait craindre de devoir repartir d'une nouvelle réalisation mais la restauration a consisté à scier par l'arrière les 413 modules en céramique. C'est la société Socra de Marsac sur l'Isle qui a été chargée de reconstituer la céramique en atelier, de la restaurer (16 modules non restaurables ont été refait) et d'assurer sa repose en utilisant cette fois une structure métallique en nid d'abeille et une accroche des modules sur rail. La dilatation possible de l'oeuvre restaurée permettra d'en assurer un plus grande pérennité.
Madame Anne Dopffer a ensuite indiqué son souhait pour que cette exposition qui retrace l'histoire de cette façade décorative soit ludique et interactive, conçue pour un large public. Des tablettes tactiles permettent une compréhension visuelle et tactile des matériaux utilisés et de leur mise en œuvre pour la façade.
Les étapes de la restauration sont présentés aux moyens d'images en 3D, de photographies du chantier et d'entretiens filmés avec les professionnels tels que les architectes, les restaurateurs et le personnel scientifique du musée.
La parole est donnée aux visiteurs de tous âges, comme les familles Mélano et Brice qui ont participé à sa construction, ainsi qu'à cinq artistes (Max Charvolen, Martin Miguel, Noël Dolla, Jean-Paul van Lith, Emmanuelle Villard). Le regard libre qu'ils portent sur l'oeuvre monumentale de Fernand Léger aujourd'hui rénovée permet d'en relever la modernité et la poésie. Le musée Fernand Léger a été le premier musée d'art moderne en 1960 sur la Côte d'Azur et cette modernité était alors encore plus prégnante.
Madame Anne Dopffer a terminé son discours en présentant Henri Fisch, créateur du jardin où se trouve le musée mais aussi du jardin du musée Chagall de Nice. Il y a 55 ans il a su répondre à la demande de Nadia Léger et introduire sur le site ces belles espèces indigènes qui ombrag le site de nos jours. La façade nord du musée a été revégétalisée pour retrouver la colline originelle et le bassin remis en eau pour la rendre plus accueillante. Le parc peut accueillir des manifestations et être loué.
Madame Anne Dopffer a aussi indiqué que les élèves en option céramique du lycée polyvalent Léonard de Vinci à Antibes, aidés par Stéphane Montalto, meilleur ouvrier de France montreront les différentes étapes de réalisation d'une pièce pour un bas-relief en céramique.
Les biotois seront fiers de savoir qu'un film de présentation du musée Fernand Léger sera diffusé sur les vols Air France.
Assurément le terme de « ludique et interactive » n'est pas galvaudé et c'est une réussite si l'on voit le plaisir qu'ont les enfants et les adultes à toucher ces pièces colorées et parcourir les pièces dédiée à cette exposition temporaire.
La visite du musée Fernand Léger sera l'occasion de retourner dans le village de Biot pour y découvrir une deuxième exposition très intéressante, à savoir « Les CAPRON, Générations Céramique » organisée dans le vieux village de Biot par le musée d'histoire et de céramique biotoises.
Cette exposition est présentée du 30 mai au 12 octobre 2015. Le musée est ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h
Tarifs:
Plein tarif : 6.50 €
Tarif réduit : 5 €
Tarif groupes : 6 € (à partir de 10 personnes)
MUSÉE NATIONAL FERNAND LÉGER
Chemin du Val de Pôme
06410 Biot, France
Tél. : +33 (0)4 92 91 50 30
Site web : musees-nationaux-alpesmaritimes.fr/fleger/
Madame Nathalie Piccioni-Gourmen, enseignante en décoration céramique au lycée polyvalent Léonard de Vinci à Antibes était présente au coté de Stéphane Montalto au musée Fernand Léger avec ses élèves du CAP et du Brevet de Métier d'Art pour montrer les différentes étapes de réalisation d'une pièce pour un bas relief en céramique. Comme les céramistes de Fernand Léger, ils ont utilisés la technique de façonnage avec un moulage en creux par estampage pour réaliser une œuvre pour l'inauguration de l'exposition. Ce travail guidé par les enseignants s'inscrit dans leur formation initiale et avait pour but de montrer aux visiteurs comment réaliser un des motifs de la façade en restauration.
Madame Nathalie Piccioni-Gourmen nous a indiqué que le lycée polyvalent Léonard de Vinci d'Antibes propose une section céramique qui permet de passer le Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) - « Tournage - Décoration » mais aussi d'obtenir le Brevet des Métiers d’Art (BMA) de la céramique ou le Diplôme des Métiers d’Art (DMA) option Céramique.
Stéphane Montalto, potier à Roquebrune-Cap-Martin et meilleur ouvrier de France (MOF), que nous avions rencontré au musée des arts asiatiques de Nice nous a indiqué avoir travaillé avec le lycée Léonard de Vinci de Sophia-Antipolis, où il intervient une fois par semaine.
“Le musée nous a confié un moule, la tête du cycliste, nous avons monté deux équipes de trois élèves pour réaliser une oeuvre pour l'inauguration. Le travail a consisté en quatre étapes pour obtenir la pièce souhaitée. La première étape consiste à creuser la terre crue et sculpter le motif d'après un dessin puis d'attendre son séchage. La deuxième étape est la réalisation d'un moule à partir de la pièce en terre crue séchée à l'aide d'un coffrage et d'un coulage de plâtre. La troisième étape revient à faire un tirage d'un biscuit obtenu par estampage dans le moule (on repousse la matière avec ses doigts dans le moule). Un autre tirage par coulage a aussi été réalisé pour montrer aux élèves deux techniques différentes. Le biscuit est obtenu en cuisant la terre dans un four à 1000°C. Il convient de vérifier les dimensions de chaque pièce car il y a une rétractation du biscuit à la cuisson. La quatrième étape permet d'obtenir la pièce finie après un émaillage du biscuit par une application des émaux noir et blanc et une cuisson pour l'émaillage dans un four à 970°C. La montée et descente de la température doit être lente pour éviter les chocs thermiques. Le four n'est ouvert qu'après refroidissement.
Lors de cette inauguration nous avons eu l'occasion de rencontrer Maurice Fréchuret qui nous a indiqué que la restauration a nécessité de nombreuses expertises et la recherche de fonds sur une période d'un an et demi car le support original était très dégradé.
Nous avons eu le plaisir de retrouver monsieur Jean-Paul Van Lith, céramiste et verrier biotois, avec ses amis du musée d'histoire et de céramique biotoises dont Claude Pelletier, orfèvre-joaillier à Biot et Paule Argonville, présidente du musée depuis février 2015, qui organise à Biot village, du 24 avril 2015 au 20 septembre 2015, une exposition intitulée “Les CAPRON, Générations Céramique” avec 11 pièces monumentales dans le village. Monsier van Lith nous a indiqué que si Roger Capron est aujourd'hui décédé, sa femme, Jacotte Capron, continue toujours à travailler dans son atelier à Vallauris. Elle fait partie avec Gilbert Portanier de ces céramistes qui ont contribué au renouveau de la céramique française des années 1950 à Vallauris. Paule Argonville et son équipe travaille dès à présent à une future exposition "Métier d’arts de 1950 à nos jours" pour la fin 2015.
Monsieur van Lith nous a indiqué que de nombreuses verreries ont du fermer leurs portes en France car pour la verrerie, le coût est de 50% pour la main d'oeuvre et 50% pour l'énergie. Seules subsistent les verreries Baccarat et Saint-Louis car les verreries de République Tchèque et de Pologne ont pu bénéficier du faible prix du gaz russe. Pour lui, Biot semble manquer actuellement de diversification dans la technique utilisée par les verriers et il est difficile d'entrenir un four vu les côuts de revient et de vente des pièces. Robert et Antoine Pierini accueillent ainsi de jeunes artistes comme Nicolas Laty et Ada Loumani pour partager les coûts de fabrication.
L'âge d'or de la céramique et du verre semble révolue et il faudrait ouvrir Biot à l'extérieur en faisant venir de nouveaux talents. Dans les années 1950, Biot était un village d'artistes car ils avaient la possibilité d'y habiter et d'y avoir leur atelier. Les municipalités successives ont su gérer la montée de l'emploi à Sophia-Antipolis ainsi que la reconversion des horticulteurs mais il est difficile de renouveler les talents artistiques. Monsieur van Lith indique que les jeunes artistes devraient être aidés en disposant de locaux pour leurs ateliers.
A titre de petite histoire, monsieur Van Lith a été le dernier céramiste à utiliser un four à bois sur Biot et Vallauris (les fours sont maintenant à gaz). Il a récemment démonté son four et donné 14 tonnes de pierres céramiques à un jeune artisan pour lui faciliter son installation. Ces œuvres, que vous pouvez toujours acheter dans le village de Biot, ont ainsi été cuites pendant plus de 40 ans de travail au bois. Il travaille actuellement à une retrospective de son travail dans la ville de Saint-Etienne.
Lors de l'inaguration de l'exposition nous avons aussi rencontré Silvia C. Leine, directrice générale de Northway qui a bien connu sa tante Heidi Mélano et la famille Léger.
Appelés par Nadia Léger, Heidi et Lino Mélano quittent la cité d'artistes, La Ruche, à Paris pour descendre à Biot pour réaliser les travaux de la façade sud entre 1957 et 1960. Ce sont eux qui réalisent, associés avec Luigi Guardigli, la mosaïque multicolore monumentale (400 m2), combinant tesselles de pierre naturelle et de verre coloré en motifs abstraits. Celle ci est complétée par deux haut-reliefs de céramique noire et blanche signés de Roland et Claude Brice qui évoquent le thème du sport (jeu de ballon et vélo). Ces reliefs s’inspirent d’un projet non réalisé de Fernand Léger pour le stade de la ville d'Hanovre.
Heidi et Lino Mélano achètent une maison dans le vieux village de Biot. C'est là que Silvia C. Leine viendra passer en été ses vacances avec sa tante. Elle a connu Nadia Léger et joué avec sa fille Lola et son fils Pierre. Elle a connu le musée enfant et est très émue de sa restauration aujourd'hui.
Elle nous indique que c'est aussi Heidi Mélano qui a réalisé les mosaïques monumentales d’après les projets de Léger pour La Triennale de Milan (1951) et pour la décoration de l’université de Caracas (1954) sur les façades est et ouest du musée Fernand Léger lorsque le musée a été agrandi entre 1987 et 1990.
Les mosaïstes Lino et Heidi Mélano ont aussi travaillé pour Marc Chagall pour son œuvre « La Cour Chagall », mosaïque monumentale réalisée en 1964 ou encore la mosaïque « Les amoureux » de Marc Chagall à la Fondation Marguerite et Aimé Maeght à Saint-Paul de Vence. Ils ont aussi travaillé pour bien d'autres artistes dont Jean-Michel Folon et Georges Braque.
Heidi Mélano n'a pas seulement été l'exécutant de ces artistes, elle a eu une production personnelle comme des mosaïques dont 150 portraits géants envoyés en Russie.
Heidi Mélano, décédée en 2014, faisait partie de son vivant de l'association Artamis implantée dans les Alpes-Maritimes à Mandelieu La Napoule.
Comme nous l'a rappelé Madame Anne Dopffer, conservateur général du patrimoine et directrice des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes, le parc a été confié au paysagiste Henri Fisch. Celui ci est très ému d'être là aujourd'hui nous indique que son père d'origine suisse était venu en 1923 sur la Côte d'Azur pour du travail et n'en est jamais reparti, tombé sur le charge de la région. « Il a construit une pépinière à Vallauris, où je suis est né et n'en est jamais vraiment sorti ». Il nous a confié avoir eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec Maeght à Saint-Paul de Vence, Marc Chagall et Fernand Léger et tous ces artistes qui le traitaient comme un des leurs.
Henri Fisch a par ailleurs travaillé avec André Hermant pour le musée national Marc Chagall, avec José Lluis Sert pour la Fondation Maeght, et en 1984, au musée Picasso d’Antibes, pour le jardin des sculptures et des senteurs.
Madame Fisch se souvient elle très bien de la manifestation officielle pendant laquelle, André Malraux, ministre d’État chargé des affaires culturelles, avait reçu en donation à l’État français du bâtiment, du terrain et d’une collection riche de plus de trois cents œuvres. Cet événement mondain de 1969 s'était terminé par une soirée de gala dans l'ancien palais des festivals de Cannes en présence d'une ballerine du Bolchoï. La présence russe sur la côte d'azur est donc une grande constance. Nadia Léger, de nom de jeune fille Nadia Khodossievitch, était elle même née en Biélorussie.