Nice Panorama
Les chefs des restaurants gastronomiques de la côte d’azur se connaissent bien. Ils ont pour la plupart travaillé ensemble à un moment ou à un autre, dans leur jeunesse, lorsqu’ils secondaient les chefs des grandes maisons qui leur ont appris le métier. Si le temps a passé et que cette génération est maintenant à la tête des restaurants les plus prestigieux de la côte, ils n’oublient pas les moments passés ensemble. Seuls les horaires de travail importants les empêchent de se rencontrer plus souvent en saison. Aussi, il est particulièrement intéressant d’aller de table en table dans ces restaurants où les chefs recommandent leurs amis. C’est la garantie de trouver une maison accueillante où le “bon produit” sera mis en valeur. Alors que je discutais avec Laurent Broussier du restaurant Le Jarrier à Biot, celui-ci m’a indiqué des adresses à Nice et à Monaco pour mes reportages photographiques. Voici donc l’une de ces adresses d’où, n’en doutez pas, vous ressortirez comblé. Il s’agit du restaurant L’Âne Rouge tenu par le chef Michel Devillers et situé sur le port de Nice.
Assis sur une banquette confortable, je peux profiter de la climatisation et découvrir l’établissement. L’Âne Rouge dispose d’une terrasse donnant sur le port de Nice et une belle salle climatisée dont la décoration est à dominante de rouge bordeau et de beige clair. On remarque le soin apporté à la présentation des tables avec des fleurs fraiches coupées et un savant dressage des serviettes. En salle, des sculptures d’ânes rouges rappellent le nom du restaurant. Aux murs, les tableaux portent sur des thèmes provencaux. On reconnaît sur une toile le marché aux fleurs de Nice. Au fond de la salle, près des cuisines, on peut voir un vivier avec des poissons de la méditerranée.
Vient ensuite le moment du choix des plats. Le restaurant propose deux menus et une carte (voir plus loin dans l’article). Les menus sont à géométrie variable et on peut y choisir le nombre des plats en fonction de son appétit ou de l’épaisseur de son portefeuille (entrée et plat ou plat et dessert, poison ou viande ou les deux pour le menu gastronomique). Les menus s’étagent ainsi de 23 à 78 euros en passant par 35 et 49 €.
Je m’oriente vers le menu "Riviera" à 49 € et sa “poulette en canon, sublime de farcis niçois et sucs de volaille au réglisse”. Pourquoi, me direz vous ? Et bien, pour voir si les “farcis niçois” font honneur à une maison niçoise. J’ai en effet été tellement déçu par le sort que l’on inflige à ce plat dans certains restaurants de la place Rossetti. Quelle “belle image” de la gastronomie niçoise doivent avoir les nombreux touristes qui fréquentent les lieux: les légumes n’y ont pas de goût, ils ne sont pas cuits mais carbonisés pour aller plus vite et ne me parlez surtout pas de la farce, il faut la chercher. Enfin, ne doutant pas de la maison qui m’est chaudement recommandée, c’est plus une volonté de retrouver le vrai goût de ce plat typiquement niçois.
Pour ce qui est du vin, L’Âne Rouge propose une formule avec deux verres de vin et un café à 15 € ou la carte des vins mais le serveur m’indique que l’on n’a pas le choix du vin (un cahors m’est proposé pour accompagner ma viande). N’ayant pas d’affinité pour les vins à fort tannin, je m’oriente vers la découverte de la carte. Celle-ci est fournie avec une majorité de bouteilles de 75 cl et quelques bouteilles de 37,5 cl pour ceux qui sortent seuls et tiennent à conserver leurs points sur le permis (deux rosés, neuf rouges et plus de blancs). Cette prépondérance pour les vins blancs s’expliquera lorsque je discuterai avec le chef en fin de repas. Celui-ci veut mettre à l’honneur une pêche locale dans son restaurant, d’où les nombreux blancs.
J’ai choisi un “Domaine de la Garenne 2005” qui est un Bandol rouge élaboré par le Comte Jean de Balincourt. Le sommelier effectue un beau service du vin avec présentation de la bouteille et son année de vinification, puis vient une décantation de la bouteille et une aération du vin avant que je puisse le goûter. Le vin a un beau bouquet, il est léger en bouche (pas de tanin ou d’acidité) et a de la cuisse. Un bon choix du sommelier quant à la maison retenue.
En dégustant mon amuse-bouche et en attendant ma “patience”, je constate que le personnel en salle est nombreux et attentionné (un maitre d’hotel, trois serveurs et un sommelier). Au cours du repas, les serveurs proposent divers pains (pain aux olives, pain aux céréales ou pain blanc) et s’assurent que vos verres (vin et eau) sont remplis. Ils restent attentifs et souriants, mais ne sont jamais envahissants.
La “patience” est une belle mise en bouche comportant du poisson, de la salade et un croustillant.
L’entrée est composée de fleurs de courgettes entourant des sardines qui sont elles-même farcies par des légumes. On a une bonne présence en bouche de la sardine. Le plat n’est pas sec car il est servi avec un fond de bouillon et des pâtes fines qui lui donnent un petit goût asiatique. Le tout est accompagné de légumes finement coupés et d’herbes aromatiques. L’assiette est joliment décorée avec une touche verte.
Arrive enfin la poulette en canon accompagnée des tant désirés petits farcis niçois et leur lit de girolles au suc de réglisse. Le plat est servi dans une grande assiette chaude. Pour les farcis, le chef a retenu une tomate, une courgette, un oignon et une fleur de courgette. Un grand classique somme toute. Dès la première bouchée, on comprends pourquoi les niçois sont fiers de leurs plats typiques. Les légumes ont du goût et sont farcis d’une fine composition dont le chef a le secret (en le faisant parler en fin de repas, il nous en dévoilera la composition mais se gardera bien de nous en indiquer les proportions). La cuisson de la poulette était parfaite. La chair de la volaille était texturée mais tendre. Ce n’est assurément pas à une volaille de batterie que l’on a à faire. La viande est elle-même farcie avec des légumes. L’assiette est décorée de fines tranches de truffe d’été.
Le fromage est une surprenante composition: un fromage de chèvre des Hautes-Alpes demi sec est servi sur un cake aux noix et au romarin. Il est servi légèrement arrosé d’huile d’olive avec un peu de sel et de poivre.
Le dessert du jour était un “Parfait citron, Financier pistache aux fruits du moment”. Le citron aurait mérité d’être plus présent, à mon avis, mais je vous laisse juger par vous-même. La pistache vient progressivement en bouche pour être finalement bien présente (le Financier semble être constitué d’un mélange de pistache et d’amande). Trois petites boules de pomme apportent une agréable acidité au dessert. Le gâteau dispose d’un fin nappage à l’abricot et une tuile craquante à souhait finit la composition du plat.
Un café nous a été offert ainsi qu’à la table voisine. Mes voisines ont choisi un thé qui sera infusé à façon par le maître d’hotel. Ces boissons sont accompagnées de petites mignardises et de morceaux de guimauve maison servis sur une jolie ardoise.
En fin de repas et de service, nous avons eu le plaisir de rencontrer le chef Michel Devillers avec qui nous avons pu discuter et sympathiser. Le chef est un niçois d’adoption (depuis plus de 30 ans maintenant). Il a commencé son parcours culinaire en Picardie. Il l’a conduit chez Arlette et Jean-Jacques Lutz (à Roye), Dumont (à Hame), au pavillon Elysée Lenôtre (à Paris), chez Troisgros (à Roanne), Berger et Houssier (ancien chef du restaurant l’Oasis à la Napoule maintenant dirigé par les frères Raimbault). Michel Devillers a repris l’établissement L’Âne Rouge en 1995.
Lorsqu’on lui demande ce qui caractérise sa cuisine, le chef répond simplement qu’il veut défendre les bons produits locaux. Il travaille ainsi avec un pêcheur niçois, monsieur Gilbert (vous pourrez les voir tous les deux sur des photographies du site web du restaurant), qui lui fournit une très belle friture de poissons et des petites crevettes. Pour ce faire, il est près à poser 200 mètres de filets par 100 mètres de profondeur. Entre mars et avril, il lui fournit même de la poutine (alevin de poisson), très prisée des niçois. Le chef nous apprend, lors de la discussion, que le vivier du restaurant est constitué de la pêche locale : un mérou, une galinette, des dorades et un chapon.
On l’aura compris, le restaurant est spécialisé dans les poissons. C’est d’ailleurs étonnant car le chef nous indique que son père était boucher charcutier. Michel Devillers a appris à apprécier le poisson lors de son passage chez le chef Dumont (à Hame), chef qui avait travaillé à l’Hôtel Hermitage à la Baule. Comme le restaurant L’Âne Rouge est situé sur le port de Nice, Michel Devillers a trouvé normal d’essayer de faire partager la pêche locale à ses clients.
Lors de notre rencontre, le chef aime à dire “qu’il ne triche pas avec la clientèle”. Comme nous lui disons que nous avons apprécié les farcis niçois, celui-ci nous répond que “la vérité est dans son établissement et le faux est ailleurs”. Le chef nous dévoile que ces farcis niçois sont remplis d’une farce composée de jambon, de lard, de boeuf et de veau. La proportion est finement étudiée et le riz doit être assez ferme pour absorber le jus des viandes. Il lui faut trois heures pour préparer ses farcis : on est donc loin de ceux proposés habituellement aux touristes.
Pour le chef Michel Devillers, “le produit doit être le leitmotiv de la gastronomie”. Pour sa “poulette en canon, sublime de farcis niçois et sucs de volaille au réglisse”, il a choisi une poulette car la jeune poule est plus tendre que le mâle. La volaille retenue est engraissée plus qu’un poulet normal. La peau est plus épaisse et le gras apporte le moelleux à la viande. Le “produit” obtenu fait la différence en qualité mais aussi en prix. Le chef travaille avec le même fournisseur de volaille depuis 25 ans (Laurent Broussier, du restaurant Le Jarrier à Biot, s’approvisionne également chez lui). Ce producteur travaille dans le village de Revel situé dans le Lauragais et la Montagne Noire, à 50 km à l’est de Toulouse. Les volailles sont nourries exclusivement avec du blé en grain et du maïs. Le produit obtenu a ainsi une chair plus ferme et il est, d’après le chef Michel Devillers, plus maniable à cuisiner par un professionnel.
Un professionel doit, d’après Michel Devillers, savoir transformer son produit, il ne réchauffe pas un plat semi travaillé. Le chef qui aime les belles formules, nous en livre une nouvelle : “Le savoir-faire, sans se prendre la grosse tête, voilà la valeur ajoutée du professionel”. Il nous assure travailler avec cet état d’esprit à L’Âne Rouge.
Pour le chef, le métier de cuisinier a changé et il consiste de nos jours à trouver les bons produits (et les bons fournisseurs). Le pêcheur, avec qui il travaille, est ainsi capable, en fonction de la pêche du jour, de ramener une lotte de 16 kg ou 300 grammes de petite crevettes. Ces crevettes crues sont du beurre, comme le chef nous l’a d’ailleurs fait vérifier, lors de la visite de ses cuisines. Elle commence par un sas de réception des produits équipé de poubelles réfrigérées. Elle continue par un bel espace où les cuisiniers travaillent en fonction des postes (poissons ou viandes). Plus loin, le garde-manger est lui aussi réfrigéré. Bref, zéro défaut.
On l’a bien compris, Michel Devillers fait partie de ces artisans qui sont fiers de leur métier de bouche. N’ayez donc pas peur de pousser les portes des établissements qui investissent dans le cadre et le service. Ces lieux hors normes comportent souvent des cartes qui cachent des petits prix. Profitez ainsi des repas de midi, vous aurez un service sans faille et les chefs ont bien compris qu’il valait mieux avoir des clients que ne travailler que le soir. Les produits mis en oeuvre sont les mêmes et vous pouvez même avoir des surprises avec des plats surclassés venant des menus plus cher ou de la carte. Même le soir, choisissez des restaurants dont vous pourrez parler à vos amis et vous souvenir. L’Ane rouge est assurément un tel lieu qui vous propose un bel espace à table, du confort, une table décorée avec des fleurs fraîches, un cadre intimiste qui plaira aux femmes et aux couples pour passer une belle soirée.
Le chef Michel Devillers propose deux menus pour montrer que gastronomie ne rime pas avec prix élevés. Le menu "Classe Affaire" à 23 € est servi au déjeuner, sauf le week-end et les jours fériés. Il est sur la base du menu "Gourmand" et vous avez le choix entre une entrée et un plat ou un plat et un dessert. Largement de quoi être rassasié et rester opérationnel l’après-midi.
Le menu "Gourmand" à 35 € commence par une patience. L’entrée est un “minestrone glacé de légumes niçois, soupe de tomates fraîches au balico”. Pour le plat principal, vous aurez le choix entre un blanc d’encornet au risotto d’encre de seiche ou un sauté minute de bœuf, légumes au wok et jus provençal. Le dessert est une assiette Tutti Frutti avec éclats de biscuits secs. Des mignardises vous feront regretter que le menu soit déjà fini.
Si vous avez encore quelques sous après vos derniers déboires boursiers, deux menus permettent de mettre en valeur le travail du chef Michel Devillers et de son équipe: le menu "Riviera" à 49 € (poisson ou viande) ou le menu "Baie des Anges" à 78 € (poisson et viande). Les menus commencent par un amuse-bouche et une patience. Vient ensuite l’entrée avec la fleur de courgettes aux Sardines, accompagnée de Noddles “Riviéra”. Le plat de poisson est un tournedos de palangre laqué au suc de poissons de roche avec un croustillant de courgettes et girolles sautées. Le plat de viande est une poulette en canon, sublime de farcis niçois et sucs de volaille au réglisse. Un fromage de chèvre sur un filet d’huile d’olive vous fera patienter avant le dessert préparé par le chef patissier. Le dessert est composé d’un parfait citron, financier pistache aux fruits du moment. Des mignardises accompagneront le café ou le thé.
Vous l’avez compris, le chef Michel Devillers est particulièrement fier de ses poissons. La carte met donc en valeur les produits de la pêche de monsieur Gilbert. Elle comprend les mêmes entrées que celles proposées dans les divers menus ainsi que la possibilité de découvrir une fraîcheur de Homard en salade avec ses haricots verts et pommes de terre et une vinaigrette échalote noisette.
La carte est là pour vous laisser le choix entre le tournedos de palangre (au menu); le loup braisé aux cocos frais, "parfum de stockfisch" et "Chipencornet"; les poissons du jour selon la pêche de “monsieur Gilbert” : daurade, pageot, sar, loup, saint pierre, palangre; la langouste ou le homard breton du vivier selon l’arrivage. Sur commande uniquement, une marmite du pêcheur servie en Bouillabaisse est aussi disponible (minimum deux personnes).
La carte comprend également des viandes comme la poulette en canon (au menu) mais aussi une pièce de bœuf de “Monsieur Daniel” accompagnée de palet de pommes “Salardaise” et des échalotes au jus.
Le chef pâtissier propose l’assiette Tutti Frutti (au menu) ou le Parfait Citron, Financier Pistache (au menu) ainsi que deux autres desserts: l’assiette de fruits rouges du jardin, crème glacée Bulgare ou une macaronade au chocolat, marmelade orange, banane.
Le restaurant L’Âne Rouge est situé 7 Quai des deux Emmanuel, sur le port de Nice. L’établissement est ouvert tous les jours sauf le mercredi et le jeudi midi.
Tél: 04 93 89 49 63
Fax: 04 93 26 51 42
Email: anerouge@free.fr
Web: www.anerougenice.com
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